lundi 25 juillet 2011

Soldat de l'An II

Transcription du décès de Dëvoille Jean-Claude / AD 70

Décidément, mes ancêtres de Haute-Saône feront tout pour me surprendre. Après avoir découvert un ancien médaillé de Sainte-Hélène (c'est à dire ancien soldat de la Révolution et de l'Empire toujours vivant en 1857), me voici face à un Soldat de l'An II mort... pendant l'An II.

Jean-Claude DËVOILLE, mon Sosa n°892, naît dans le village franc-comtois de Corbenay le 5 août 1759. Il se marie à l'âge de 25 ans, en 1784, avec une fille de son village. Ils ont d'abord trois enfants, dont aucun ne survit. Puis vient la Révolution. La vie change-t-elle pour le couple? Je ne sais pas. Je sais juste qu'ils ont un petit garçon en octobre 1791, nommé François. Celui-ci survit. Mais il n'est encore qu'un nouveau-né que son père doit partir à la guerre: La République l'appelle.

Acte de décès de l'an II / AD 35

Malheureusement pour lui, il est envoyé dans les combats face aux Chouans dans la Guerre de Vendée. Je n'ai pas encore réussi à retracer son parcours, je sais juste qu'il est mort à l'Hôpital militaire Saint-Nicolas de Fougères, en Bretagne, le 12 pluviôse an II (31 janvier 1794). La situation de Fougères à cette époque devait être très violente: quelques semaines après sa mort, je trouve dans les registres de l'hôpital l'histoire d'un groupe de 5 ou 6 personnes tués sur les routes par "une bande de Brigands", les Chouans. Et tout le registre est parsemé de ce genre d'histoire, en plus des soldats morts loin de chez eux. Un lien? Quelques mois plus tôt, en novembre 1793 eu lieu la Bataille de Fougères, qui se termina par la victoire des Vendéens.

Sur cet acte de décès, on apprend que Claude Desvoiles (sic) était fusilier au 6ème Régiment d'Infanterie, Compagnie de Quetelle. Avant la Révolution, ce Régiment s'appelait le Régiment d'Armagnac. Son uniforme était blanc et bleu. Pourtant, Jean-Claude Dëvoille venait d'une région opposée à l'Armagnac. Comment a-t-il atterri dans ce régiment? Quelle était la vie d'un fusilier? Comment était composée et quelle est l'histoire de la Compagnie de Quetelle? Beaucoup de recherches à faire pour répondre à ces questions.

Uniforme du Régiment d'Armagnac (6ème RI)

En tout cas, Jean-Claude est mort. Il était rentré à l'hôpital 8 jours plus tôt, le 4 pluviôse. De maladie ou à cause d'une blessure? Son acte de décès ne sera retranscrit dans sa commune de naissance que le 15 frimaire an VII, soit près de 5 ans plus tard. Est-ce à cause des lenteurs de l'administration? Sa jeune veuve a-t-elle été prévenue avant? Elle se remariera et ne meurt qu'en 1832.

Jean-Claude DËVOILLE n'avait que 34 ans. Il est mort pour la République. Il était volontaire, il croyait peut-être à ces nouvelles idées de Liberté et d'Égalité. Il ne me reste qu'à retracer son parcours à travers les archives de la période révolutionnaire.


La République nous appelle,
Sachons vaincre, ou sachons périr.
Un Français doit vivre pour elle,
Pour elle un Français doit mourir.

Le Chant du Départ, 1794.


Sources:

lundi 11 juillet 2011

Le Doyen (2)

Il y a un an déjà, j'avais écrit un article sur Pierre Michel POUTAS, le doyen de mes ancêtres: c'est à dire celui ayant eu la vie la plus longue, dans tout mon arbre généalogique. Né en 1738 dans la Manche, il avait atteint l'âge respectable de 86 ans, 5 mois et 3 jours. Et bien, son record vient d'être battu!


Signature de François BIGEY / (c) AD 70


Le nouveau doyen s'appelle François BIGEY. C'est mon n° Sosa 434. Voici une petit évocation de ce que fut sa vie.

François BIGEY naît le 26 septembre 1774 dans le village de Corbenay, à l'extrême-nord de l'actuel département de la Haute-Saône. Fils de Jean BIGEY et Marguerite PARIS, il est le huitième des 13 enfants du couple. Son père est meunier, et il grandit avec l'amour de ses deux parents, qui meurent tous les deux en 1809, quand François a 35 ans. Il a donc vécu une enfance plutôt paisible.

Corbenay (70) / (c) Google Earth
La longue rue débouchant sur l'église



Mais la Révolution approche. François BIGEY a 18 ans en 1792, en pleine épopée révolutionnaire. Il a l'âge idéal pour partir combattre défendre les idées nouvelles. Et c'est d'ailleurs ce qu'il fait. Jusqu'à l'an V, il fait partie du 12ème Bataillon de Volontaires Nationaux de la Haute-Saône. Formé en septembre 1792, ce bataillon est integré à l'Armée du Rhin, et participe à la prise de Mayence en octobre 1792. Devant cet héroïque fait d'armes, le Bataillon obtient le promesse de ne pas servir contre l'étranger pendant un an. C'est ainsi qu'en 1793/1794, le bataillon, majoritairement composé le Haut-Saônois, se retrouve à "pacifier" la Vendée.



François BIGEY a participé à ces évenements. Pour la grande histoire, c'est la Guerre de Vendée. Pour la petite histoire, 4 hommes du 12ème Bataillon meurent à l'hôpital aux Sables d'Olonnes durant l'an V, le plus souvent de maladie. Combien sont morts durant les terribles combats qui ravagèrent cette région? En tout cas, notre François s'en sort. Et heureusement, car au pays, une fiancée l'attend...



Acte de naissance de Marie Bigey / (c) AD 70



François n'est pas encore marié. Le mariage est prévu pour son retour de l'armée. Sa fiancée s'appelle Marie Françoise PARIS, et le mariage est organisé pour le 24 nivôse de l'an V (13 janvier 1797). Seulement, la future mariée est enceinte jusqu'aux dents, et elle donne naissance à une petite fille 2 semaines avant le mariage! Le père est toujours soldat en Vendée, c'est sa grand-mère qui vient déclarer la petite. Ainsi, François a eu un beau cadeau en rentrant chez lui! Lors du mariage deux semaines plus tard, il "déclare et affirme qu'il est l'auteur de la dite fille et promet de lui donner tous les soins et éducation de paternité" (sic)



Après ce petit épisode révolutionnaire, François, devenu homme marié et père de famille, se calme. Il devient agriculteur, et au fil des années, lui et sa femme agrandissent la famille: au total, 13 enfants, dont seulement 5 atteindront l'âge adulte. La dernière naissance date de 1823. François et sa femme Marie Françoise éleveront les enfants survivants jusqu'à la mort de celle-ci, en juin 1834, après 38 années de mariage. François a déjà 59 ans, ses enfants sont déjà mariés et partis, et pourtant, il se remarie aussitôt avec une femme qui aurait pu être sa fille: elle s'appelle Marie-Thérèse BARRET, et le mariage a lieu en septembre, 3 mois seulement après la mort de sa première femme!



À ma connaissance, le nouveau couple n'a pas d'enfants. Les années passent, le couple vieillit. En 1844, ils fêtent leur dix ans de mariage. En 1852, Marie-Thérèse, qui avait pourtant 20 ans de moins que François, meurt la première: il est veuf pour la seconde fois, à l'âge de 77 ans.



Entre temps, après plusieurs régimes politiques, le Second Empire s'est mis en place. Sa Majesté l'Empereur Napoléon III, dans le but de légitimiser son régime, fait tout pour glorifier le passé napoléonien du pays. C'est ainsi qu'en 1857, l'Empereur instaure la Médaille de Sainte-Hélène, déstinée à décorer tous les anciens soldats ayant servi entre 1792 et 1815, et toujours en vie en 1857. À cette date, François Bigey, ancien soldat de l'An II, a 83 ans. Il a donc tous les critères pour recevoir la fameuse médaille, qui sera donnée à près de 405.000 anciens combattants.



Médaille de Sainte-Hélène / (c) Ebay



Pour savoir si une personne a reçu cette médaille, il existe un très bon site sur les Médaillés de Sainte-Hélène. Malheureusement, les archives de la Haute-Saône n'ont pas encore été analysées, et François BIGEY ne figure pas dans la base... Mais il avait tous les critères requis pour l'obtention de cette médaille.




François BIGEY est mort le 3 décembre 1862 dans son village de Corbenay, à l'âge de 88 ans, 2 mois et 7 jours. Il est de ce fait mon nouveau Doyen. Pour l'anecdote, le cadet de ma généalogie (mon ancêtre ayant vécu le moins longtemps), était aussi originaire de Corbenay: à lire ici.


- Sources:




  1. Wikipédia & Google Earth




P.S.: En cette semaine de 14 juillet, cette histoire révolutionnaire tombe parfaitement bien. Un petit hommage aux Soldats de l'An II, pour le 222ème anniversaire de la Prise de la Bastille.



samedi 2 juillet 2011

Encore une chute!

Un Schlitteur dans les bois de Vexaincourt (88)


Décidémment, mes ancêtres n'étaient pas des acrobates! Après la mort de Jean-François ALLAIS (n° Sosa 340), couvreur de 68 ans dans la Manche, et mort en tombant d'un toit en 1823, voici celle de Joseph POUR (n° Sosa 366), mort dans les Vosges à 54 ans... en tombant d'un sapin!



Acte de sépulture de Joseph POUR (1791) / (c) AD 88



L'an Mil sept cent quatre vingt onze le
onzième mars, nous avons inhumés dans le cimetière de la
Paroisse de Luvigny le corps de Joseph Pourre, manoeuvre
de Vexaincourt, paroisse de Luvigny, agé de cinquante
quatre ans, trouvé mort sous un grand Sapin dans les
Bois de France, le neuf du présent mois, vers dix heures
du matin, par une chute occasionnée du même arbre ou
il a été trouvé, comme il conote par la visite du Sieur
Lallevée, chirurgien, juré aux rapports du disctrict de
Blamont. L'inhumation a été faite en présence des Nicolas
Trartuc (?) père et fils demeurant à Luvigny qui ont signez avec
nous de ce enquis et interpellez suivant l'ordonnance.



Joseph POUR est donc mort en tombant d'un sapin... Que faisait un homme de 54 ans accroché en haut d'un sapin? Surtout qu'apparement, il n'était pas sagard, contrairement à la majorité des autres habitants. C'était un habitant de Vexaincourt, petit village à l'extrême nord-est du département des Vosges. À l'époque, il faisait partie du plus gros village voisin de Luvigny. Il n'a eu sa propre église qu'en 1851, et encore, celle actuelle, du plus pur style Art-Déco, date des années 1920, car la première église fut détruite lorsque les Allemands brûlèrent le village en 1915.


L'église actuelle de Vexaincourt / (c) Google Earth


Vexaincourt est l'une des communes les plus boisées de France. 94% de son territoire est recouvert d'une épaisse forêt de sapins. Le village culmine en plus à près de 400m d'altitude. L'acte de sépulture précise que Joseph POUR est mort au Bois de France. En 1791, Luvigny, et donc Vexaincourt, était intégré dans la Principauté de Salm-Salm, un petit territoire de 240km² enclavé en France, dont Voltaire disait "qu'il ne fallait pas plus d'une journée à un escargot pour en faire le tour"! La Principauté a été rattachée à la France par les révolutionnaires en janvier 1793. C'est sans doute à ce moment que le Bois de France a changé de nom, car je ne l'ai pas retrouvé sur les cartes IGN.




Je profite de ce billet pour partager une légende du village de Vexaincourt que je trouve très jolie. Il existe tout au sud du village, dans les montagnes, un petit lac très profond, vestige d'un ancien glacier: le Lac de la Maix. C'est le lieu d'un pélerinage depuis les temps celtiques. Au XIème siècle s'y est installé un ermitage, puis une chapelle. On raconte qu'un jour, un musicien étranger vint jouer du violon à cet endroit. Les habitants du village vinrent danser autour de lui. Ils étaient tellement occupés à danser et à écouter la musique qu'ils n'entendirent pas la cloche sonner pour qu'ils viennent prier. La punition divine arriva aussitôt: une crevasse s'ouvrit sous leur pied, et ils furent engloutit par les eaux. Le musicien n'était autre que le Diable en personne... C'est ainsi que fut créé le Lac, d'après la légende. En réalité, il n'est que la dernière trace d'un lointain glacier, disparu depuis des millions d'années. Mais c'est beaucoup moins féérique, avouons-le! ;-)


Lac de la Maix / (c) Google Earth