mercredi 30 juin 2010

Prisonniers de père en fils (2/2)

Pierre Augustin Vayer (n° Sosa 86), 45 ans, devient l'heureux papa d'un petit garçon un jour de mai 1867. L'enfant est né à midi, de la femme de Pierre, Thérèse Marteau. Le couple, marié depuis 17 ans, a déjà 4 fillettes à nourrir! Pourtant, Pierre doit être content: cette fois-ci, c'est un petit garçon! Il avait déjà eu un petit garçon quelques années auparavant, malheureusement celui-ci était décédé aussitôt après sa naissance. Ce nouveau petit garçon bien en vie, Pierre décide de l'appeller Eugène Constant. Ah, au fait, Pierre est illettré; il est aussi tisserand dans un petit village de la Mayenne, autant dire qu'il ne roule pas sur l'or. D'ailleurs, au début des années 1860, Pierre et sa famille avaient dû être aidé par la charité publique...

Au fil des mois, le petit bébé grandit plutôt bien, et ne meurt pas. Ce qui est déjà une grande chance pour lui. Sa mère n'en a pas autant: elle meurt en 1870, alors qu'Eugène a seulement 3 ans et demi. Le fait de perdre sa mère si tôt, sans doute l'événement le plus grave dans la vie d'un enfant, a sans doute contribué aux erreurs qu'Eugène fera dans sa vie future. Mais son père, la cinquantaine et 6 enfants sous le bras, ne peut pas se permettre de rester seul. Il se remarie 8 mois plus tard seulement, avec une fille de 20 ans sa cadette. Eugène a donc grandit avec cette mère de substitution.

Car Eugène grandit. Sa famille aussi d'ailleurs. Au total, 13 enfants, dont 9 seulement atteindront l'âge adulte. Eugène étant le seul garçon à ne pas mourir prématurément. Quand il a 10 ans, son père est arrêté et condamné à 12 jours de prison pour outrages à agent. Une peine courte, mais qui a dû marquer le petit garçon. Bien sur, il ne va pas à l'école. Quand l'école devient obligatoire avec les Lois Ferry, il a déjà 15 ans. Il travaille déjà; d'abord tisserand comme son père, puis bûcheron. A ses 20 ans, il part faire son service militaire. Il ne mesure qu'1m63, il est décrit comme "faible" et souffre d'une taie à l'oeil gauche. Il est finalement classé dans le Service Auxiliaire!



C'est à partir de cette époque que la vie d'Eugène commence à mal tourner. A la Noël 1888, lors d'une vente, Eugène, qui a alors 21 ans, vol du bois. Etonnant de la part d'un bûcheron. Mais la sanction ne traine pas: il est aussitôt condamné à 8 jours de prison. Et voilà Eugène passant le réveillon de la nouvelle année 1889 derrière les barreaux de la prison de Mayenne! Au même endroit où 12 ans plus tôt, son père avait été enfermé. Celui-ci ne lui en veut pas. Eugène retourne vivre chez son père, et change par la même occasion de métier, devenant cette fois-ci tailleur de pierre. Après cette condamnation, Eugène aurait pu se calmer, se ranger et fonder une famille. Mais non. Au contraire, il ne plait pas aux filles. Aucune ne veut l'épouser lui, l'analphabète pas fichu!

Dix années sont passées. Eugène, toujours célibataire, est encore chez son père et sa belle-mère. Il a alors 30 ans.
Août 1897. Alors que la France est divisée par l'Affaire Dreyfus, et que le Président Félix Faure est en voyage officiel en Russie auprès du Tsar Nicolas II, Eugène récidive: il vole. Il vole plusieurs fois de suite. Et cette fois-ci, la sanction est beaucoup plus sévère. Il retrouvera la prison de Mayenne pour 4 longs mois! Sa situation ne s'arrangera pas, loin de là. Eugène n'est même pas encore sorti de prison qu'il est déjà rejugé et recondamné en octobre pour coups et blessures, à 2 mois de prison supplémentaires. Au total, à l'aube de ses 31 ans, Eugène a déjà été condamné 3 fois, à 6 mois et 8 jours de prison. Une explication à cette récidive tardive? Peut-être: son père est mort les mois précédents, le laissant orphelin.

A sa sortie, Eugène part s'installer à 50km de là, dans un petit village près de Laval. Les années passent. Eugène a maintenant la quarantaine, et est toujours célibataire. Mars 1911, Eugène est de nouveau condamné, à 5fr. d'amende pour coups et blessures volontaires. 4ème condamnation pour Eugène!

1914: la guerre est déclarée. Eugène, qui a 47 ans, n'est pas mobilisé immédiatement. La dépêche ministérielle du 22 mars 1915 le déclare bon pour le service armée. Il a 48 ans. Mais il ne rejoint pas son régiment, et est noté comme "Insoumis" en septembre 1915, c'est à dire qu'il ne s'est pas présenté au bout de 30 jours à son régiment. A partir de ce moment, il est considéré comme deserteur. Les combats font des dizaines de milliers de morts depuis un an. Eugène est recherché. Et il est finalement arrêté 9 mois plus tard, en juin 1916. Il est jugé aussitôt. Et pour la première fois de sa vie, il est acquitté le 26 juillet 1916! Cela veut dire qu'il avait certainement une très bonne raison de ne pas rejoindre le front. Maladie? Blessure? Trop âgé? En tout cas, Eugène aura la chance de n'être jamais allé au front durant les 4 longues années qu'a duré la guerre, tuant 1.4 millions de jeunes Français. Après la guerre, je n'ai pas réussi à retrouver la trace d'Eugène... Je ne sais pas quand il est décédé.

5 jugements, 4 condamnations et 1 acquittement... ainsi se résume la vie de Eugène Constant Vayer, qui fut certes un mauvais garçon, mais ne tua jamais personne.

mardi 22 juin 2010

Prisonniers de père en fils (1/2)

Pierre Augustin Vayer est mon N° Sosa 86. Je ne l'ai découvert que très récemment. Avec sans doute la vie banale d'un petit paysan de la Mayenne du XIXème siècle. C'est ce que je pensais de lui avant de mieux le connaître...

Pierre est né un beau jour de septembre 1821, à Oisseau, un gros bourg de 3.000 habitants, tout près de Mayenne. Son père, Marin, a déjà la quarantaine. Orphelin à 6 ans, Marin est originaire d'un village voisin. Il est venu s'installer, sous l'Empire, à Oisseau, pour y épouser Mlle. Renée Chevallier, une jeune fille de 10 ans sa cadette. Pierre pointe le bout de son nez dans une famille déjà bien installée, 7ème enfant d'une fratrie de 11. Certes, il est le 7ème, mais à sa naissance, il ne fait la connaissance que de 2 de ses grandes soeurs, les autres étant décédés en bas âge.

Pierre grandit. Bien sûr, il ne va pas à l'école. Comme toute sa famille, et comme la grande majorité du village, il travaille dans le tissu. Tisserands, dévideurs, calicotiers... de nombreux métiers aujourd'hui oublié qui constituent pourtant l'ensemble de son environnement.
Pierre est maintenant un homme de 28 ans. Sa mère est morte alors qu'il n'avait que 15 ans. Son père, déjà âgé, s'occupe de ses frères cadets tout en continuant à travailler dans le tissu. C'est dans ce contexte que Pierre se marie le 18 avril 1850 avec une jeune fille de 25 ans, Thérèse Marteau. A Paris, Louis Napoléon Bonaparte est le nouveau Président de la Seconde République.
Après son mariage, Pierre quitte son père pour s'installer chez sa nouvelle femme. Car Thérèse n'a pas non plus une vie très facile. Fille naturelle, elle est née en 1825. Depuis, elle vit chez sa mère célibataire, avec son petit frère, lui aussi sans père. Evidemment, elle aussi travaille dans le tissage.

Pierre s'installe donc chez sa belle-mère. Les années passent. Les naissances, aussi. Que des filles! Le pauvre Pierre devient le père 5 fillettes, dont une meurt en bas-âge. Entre temps, sa belle-mère est morte, et son beau-frère est parti. C'est maintenant une petit famille de 6 bouches que Pierre doit nourrir. Nous sommes sous le Second Empire, et pendant que l'Empereur ordonne la construction d'un nouvel Opéra à Paris, Pierre, sa femme et leurs 4 fillettes meurent de faim. Ils sont déclarés "Indigents", et sont aidés par l'Assistance Publique.

Et pourtant, Pierre continue de procréer! En 1864, il donne enfin vie à un petit gars!... qui meure aussitôt après sa naissance. Suivent encore 2 enfants, dont un petit garçon faible, Eugène Constant.

1870. En plein été, l'Empire français déclare la guerre à la Prusse. En moins d'un mois, la situation devient catastrophique. Thérèse, âgée de 45 ans seulement, usée par 8 grossesses et par la pauvreté, meurt quelques jours seulement avant la capitulation de Sedan. La République est proclamée. Pendant ce temps, dans la campagne mayennaise, Pierre, quinquagénaire, se retrouve seul avec 6 enfants sur les bras.


Paysan typique de l'Ouest


Mais Pierre ne se laisse pas aller. Quelques mois plus tard, il se marie avec Pauline Vaugeois, une jeunette de 29 ans. Elle est alors pensionnaire chez un charpentier, son père étant trop pauvre pour s'occuper de tous ses enfants. Aussitôt après, les naissances reprennent... Toujours des filles! En 1875, un nouveau petit garçon nait! Pierre se réjouit, et espère sans doute qu'il sera en meilleure santé que son seul garçon resté en vie. Il le nomme Jules Constant.

1877. Le petit Jules, 2 ans, meurt. Pierre en est très triste. Quelques semaines après l'enterrement, emporté, il insulte des gendarmes, et fait acte de rebellion. Aussitôt jugé, il est condamné à 12 jours de prison pour outrages à agent et rebellion. Pierre est alors le type même du paysan du Maine: grand chapeau noir, blouse bleue sur chemise blanche, et paire de sabots. Le tout, en mauvais état bien sûr. Pierre est incarcéré à la Prison de la ville de Mayenne, un ancien chateau. Il sort 12 jours après son arrestation.




La prison de Mayenne

Après ce passage en prison, Pierre se calmera. 2 nouvelles petits filles viendront encore aggrandir la famille, jusqu'en 1880. Puis, Pierre se contentera d'élever cette nombreuse descendance. Au total, il aura 13 enfants, et seulement 3 garçons. 8 filles survivront, et un seul garçon, Eugène Constant.

Pierre s'éteint à 16 ans plus tard, à l'aube du XXème siècle, à l'âge de 74 ans. Une longue vie surtout remplie par la misère, pour cet enfant illettré, né sous le règne de Louis XVIII...

Après sa mort, sa veuve ira vivre chez son cousin, chansonnier, avec ses filles restées avec elle. Elle est décédée des années plus tard...

A suivre... La vie encore plus mouvementée du seul fils de Pierre, Eugène.

vendredi 18 juin 2010

Du nouveau...

Du nouveau concernant la Généalogie via Internet.

Tout d'abord, un nouveau département vient de mettre ses Archives en Ligne. Il s'agit du Tarn-et-Garonne (Midi-Pyrénées). Je ne veux pas faire doublon, voir l'article du Blog Généanet concernant l'utilisation de ce nouveau site. N'ayant pas encore découvert d'ancêtres de ce côté-ci du pays, je mets cette nouvelle de côté pour l'instant.

Par contre, plus importante est la mise à jour des Archives du Puy-de-Dôme (pour moi, en tout cas! :-p). En effet, les AD63, en plus d'avoir compléter la liste des TD disponibles sur le site, commencent à mettre en ligne la série communale des registres paroissiales de différentes communes! C'est une excellente nouvelle! Par exemple, j'ai des ancêtres qui ont vécu sur Pionsat au XVIIIe siècle. Or, les registres de la série du greffe, en ligne, comportent de grosses lacunes sur les années 1710/1720. Pouvoir combler ces lacunes est donc une belle avancée! Malheureusement, Pionsat ne fait pas encore partie des communes conernées, dont la liste est disponible ici.

jeudi 10 juin 2010

Assassinat "violent"!

Pour vous raconter cette histoire, il faut tout d'abord que je vous présente un de mes ancêtres directs. Même s'il n'a aucun rapport avec cette histoire de meurtre. Il s'appelle Antoine Lafarge (Sosa 1000). Il fait partie de ma branche auvergnate, coincée dans un petit canton à l'extrême nord-ouest du Puy-de-Dôme. Je sais peu de chose sur lui. Je sais juste qu'il était présent au mariage de son fils, Denis Lafarge, mariage qui eut lieu un sombre jour de février 1752, à Bussières. Autant dire que je ne sais rien de ce cher Antoine, si ce n'est son prénom.

Je me mets donc en tête de retrouver sa date de décès, afin d'obtenir au minimum son âge! Mais où chercher? En effet, le mariage de son fils s'est déroulé à Bussières uniquement parce-que la bien-aimée (une certaine Françoise Parret) habitait ce lieu. Le futur, c'est à dire Denis, était né à Pionsat, gros bourg des environs, aujourd'hui devenu chef-lieu de canton; lors de son mariage, le curé signale que le père habite toujours Pionsat. C'est sans compter le fait que le jeune couple, quelques mois après leur mariage, s'est installé dans un autre petit village mitoyen: Saint-Maigner! Et si le père, surement âgé, était venu vivre chez son fils? Ce qui me fait trois lieux de recherches potentiels pour trouver l'acte de décès de ce vieil Antoine: Pionsat, Bussières et Saint-Maigner.

Courageux, je décide de m'attaquer aux registres du plus gros village, là où logiquement Antoine a dû rendre son dernier soupir. Je commence donc ma tache: lire tous les actes d'enterrements postérieurs à 1752. Pionsat étant quand même un assez gros village, il y a plusieurs pages de décès pour chaque année. Pas toujours très lisible en plus! Heureusement, à la fin des années 1750, le curé change; le nouveau écrivant mieux et m'offrant même le cadeau d'écrire le nom du trépassé en marge de l'acte!

1758, 1759, 1760... les années passent... J'ai bien quelques Defarge ou Farge, mais pas encore ce brave Antoine... Et puis, en 1761, un acte m'intrigue: il est beaucoup plus long que les autres! Et surtout, le décédé se nomme Pierre Cléret, et il se trouve que dans ma généalogie auvergnate, j'ai quelques Cléret. Sans doute un cousin plus ou moins éloigné qu'on pourra relié plus tard à l'arbre? me dis-je. Voici l'acte en question (Cliquer sur l'image):



Sa transcription:
L'an mil sept cent soixante un, et le dix neuf janvier
à quatre heures du soir a été enterré dans le cimetière de cette
Eglise Pierre Cleret agé d'entour vingt quatre ans de la
paroisse de St Magnier décédé hier dans la maison de la veuve
Morel, ou il avoit été conduit pour être plus aporté d'etre
soigné par des Chirurgiens de ce bourg, a cose des plais qu'il avoit
Reçu d'un coup de fuzil qu'ont luy avoit tiré deux jours
auparavant, auquel nous avons donné le Sacrement
d'extreme onction, n'ayant pu luy administrer les autres
Sacrement, et avons attendu l'ordre de Mrs les officiers de
cette justice, pour en faire l'inhumation, pnt audit enterremt
Gervais Foussat, Loüis Verneret, nos parroissiens et plusieurs
autres qui ont déclarés ne savoir signer de ce Enquis et a la minutte
a signé Rodde Curé de Pionsat


Un meurtre! Pierre Cléret a reçu un coup de fusil en 1761 en pleine campagne auvergnate. On le conduit alors au bourg le plus proche, afin de le faire soigner par un "chirurgien" compétent. Malheureusement, rien n'y fera, et après deux jours d'agonie sans doute très douloureuse, le jeune Pierre, 24 ans seulement, meurt. Peut-être quelqu'un habitant dans le 63, ou proche de Clermont-Ferrand pourra retrouver trace de cette affaire dans les AD63? Il y a sans doute eu enquête, et ainsi nous saurons qui a tiré sur Pierre, et surtout, pourquoi?


Je n'ai toujours pas pu rattacher Pierre Cléret à mon arbre.
A ce jour, Antoine Lafarge, qui a sans doute entendu parler de ce crime, est toujours porté disparu.
;-)



Vue de Saint-Maigner, où fut mortellement blessé Pierre Cléret le 6 janvier 1761.

La base du bon débutant

Pour le petit débutant qui débarque dans la généalogie, Internet peut être un outil fabuleux pour lui permettre d'avancer dans son aventure dans le passé. Encore faut-il qu'il ne se perde pas dans l'immensité du Web! Voici les principales adresses qui serviront plus ou moins, selon ce qu'on cherche en ligne.

-Généanet: Sans doute le site le plus visité du monde généalogique. Des centaines de milliers d'arbres mis en ligne, idéal quand on coince sur une branche, ou pour trouver des cousins! De plus, on peut y déposer son propore arbre.

-Archives en ligne: Un bon récapitulatif des différentes archives départementales françaises. Selon le département, on peut arriver directement sur le site où les archives sont mises en ligne.

-Ellis Island: Parfait pour trouver un éventuel cousin d'Amérique! Ce sont les registres de bateaux arrivés aux USA aux XIXe et XXe siècles, avec leurs immigrants en provenance du monde entier.

-Mémoire des Hommes: Recensement de tous les soldats Morts Pour la France entre 1914 et 1918. Très utile pour retrouver d'éventuels branches descendante.

-Gallica: On peut trouver un peu de tout sur ce site... Je l'utilise surtout pour les archives des principaux journaux nationaux, comme Le Figaro ou Le Petit Parisien.

Liste non exhaustive....