mardi 31 août 2010

Généalogie en direct: Episode 2

Dans l'épisode précédent, nous avions étudié d'un peu plus près la vie d'Emile Koenig. Né en Alsace le 10 avril 1873, il était venu s'installer dans les Vosges pour épouser une fille du pays, Louise Mercier, le 23 mai 1896. Il est mort à Epinal en 1956, à l'âge de 82 ans.

Sur son acte de naissance à Oberehnheim (Obernai), on apprend que son père Aloïse Koenig est âgé de 32 ans, alors que sa mère Anne Madeleine Schmitt a 31 ans. Aloïse est donc né vers 1841. Si on admet qu'il s'est marié après ses 20 ans, on peut situer la date de son mariage avec la demoiselle Schmitt entre 1861 et 1873. De plus, sur l'acte de naissance d'Emile, l'un des témoins s'appelle Philippe Koenig. Il est journalier, comme Aloïse, et est âgé de 26 ans. On peut supposer que c'est un frère cadet d'Aloïse. Ce sera une info à vérifier plus tard.

Direction les Archives du Bah-Rhin, pour voir si Aloïse s'est marié à Obernai/Oberehnheim. Il faut vérifier dans les tables décennales les mariages ayant eu lieu dans cette ville, en partant de 1873 et en remontant dans le temps. Bien sûr, les TD de 1863 à 1872 sont écrites en allemand. Cependant, on retrouve assez vite un mariage entre un Koenig Elian et une Schmitt Anna Magdalana, en date du 9 November 1868. Aloïse et Elian sont-ils la même personne? C'est fort possible, étant donné que l'officier d'état-civil à écrit en style Fraktur (Kurrentschrift), que je me sois trompé dans la lecture du prénom.


Mariage d'Aloïse Koenig en 1868


A la date du 9 novembre 1868, on trouve l'acte de mariage d'Aloïse Koenig et Anne Madeleine Schmitt. L'avantage, c'est qu'il a été rédigé à une époque où l'Alsace était encore française. On y apprend que le marié est né dans la bonne ville d'Obernai le 18 juin1842, fils de Koenig François Antoine, décédé à Obernai le 24 avril 1864, et de Streicher Barbe, agée de 64 ans (donc née vers 1804.)


Quant à la mariée, née en 1840 à Molsheim, à 10 km au nord d'Obernai, repasseuse, seule sa mère est présente au mariage. En effet, son père a disparu et est sans domicile connu. On ne sait même pas s'il est encore vivant.


Les jeunes mariés étaient-ils pauvres? En tout cas, l'acte de notoriété passé devant le Juge de Paix d'Obernai, pour rendre officiel la disparition du père de la mariée, a eu un "timbre gratis", car les mariés étaient "indigents". Et aucun des 4 témoins au mariage ne fait partie de la famille proche d'Aloïse.


Trouver l'acte de naissance d'Aloïse ne sera pas d'une grande utilité, puisque nous connaissons déjà sa date de naissance et le nom de ses parents. Cependant, il est toujours bon de le trouver afin de confirmer les informations que nous possédons déjà. Pas de surprise,on trouve bien l'acte de naissance à la bonne date: Aloïse, né le 18 juin 1842 à 5h.00, fils de François Antoine, tonnelier âgé de 47 ans, et de Streicher Barbe, 38 ans. Le bébé est né au n°144, Quartier Rouge, Obernai. Rien de surprenant donc. Si ce n'est l'acte se trouvant sous celui de notre Aloïse. En effet, il s'agit de l'acte de naissance d'un certain Pierre Paul Koenig, frère jumeau et cadet d'Aloïse!


Il est étonnant que ce Pierre Paul Koenig n'ait pas assisté au mariage de son propre frère jumeau 26 ans plus tard. Peut-être était-il mort avant? Un rapide tour des les TD d'Obernai nous apprend que le petit cadet est mort le soir du 4 octobre 1842, alors qu'il n'avait même pas encore 4 mois. Ce décès a dû, même inconsciemment, marqué le petit Aloïse. Perdre son frère jumeau n'est pas quelque chose d'anodin.



L'Eglise d'Obernai où se maria Aloïse en 1868

Nous connaissons maintenant le début de la vie d'Aloïse. Né en 1842, il a perdu son frère jumeau alors qu'ils étaient encore bébé. Il est devenu tonnelier (pas étonnant en Alsace), avant de perdre son père à l'âge de 22 ans. Il se marie en 1868 avec Anne Madeleine Schmitt. Malgré la guerre de 1870 et l'annexion de l'Alsace par l'Allemagne, le couple ne quitte pas tout de suite Obernai, car leur fils Emile y né en 1873. En 1896, au mariage d'Emile, on apprend que le couple Koenig-Schmitt, toujours en vie, habite désormais Giromagny, dans le tout nouveau Territoire de Belfort. On ne sait pas quand est mort Aloïse.


Heureusement pour nous, le Territoire de Belfort a mis en ligne récemment ses archives (voir le mode d'emploi sur le Blog Généanet). Par chance, ce département a aussi numérisé les listes nominatives de recensements. Ces listes, rédigées tous les 5 ans, sont très pratiques: d'abord parce-qu'on connait ainsi l'adresse de ses ancêtres, et surtout parce-qu'on peut connaître la composition d'un ménage à une date précise.


Giromagny, 1896. Il y a 112 pages! Comme on ne connait pas l'adresse d'Aloïse et de Madeleine à cette époque, on doit éplucher toutes les pages. Et on retrouve le couple à la page 54. Le couple habite n°10, rue Thiers. Les deux époux ont chacun 54 ans. Ils habitent avec deux de leurs enfants: Julie, âgée de 21 ans, travaille à l'usine du village. Son frère Charles, qui a 15 ans, également.

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Comme l'adresse d'Aloïse nous est connue, on pourra maintenant suivre la vie de la petite famille, en regardant dans les listes de recencement tous les 5 ans. Malheureusement, il semble que le 10, rue Thiers ait été une auberge. Et en recherchant dans les listes de 1891 et de 1901, je n'ai pas retrouvé Aloïse... Il est possible que lui et sa famille aient souvent déménagé en quittant l'Alsace. En tout cas, je n'ai pas pu trouver son acte de décès.

Au prochain épisode, nous rechercherons le père d'Aloïse, François Antoine Koenig.

jeudi 26 août 2010

Généalogie en direct: Episode 1

Il y a quelques années, le Blog Généalogie avait créé un Feuilleton généalogique, dont le but était de prendre une personne au hasard dans les registres d'état-civil en ligne (dans leur cas, une certaine Mlle. Moutet, habitant un petit village des Alpes Maritimes), et de remonter son ascendance le plus loin possible, en exposant les problèmes rencontrés.

A mon tour, j'ai repris ce principe. J'ai choisi comme point de départ une personne de ma généalogie, et qui en même temps n'en fait pas tout à fait partie. Il s'agit de Jules Fernand Koenig. Né en 1897 à Monthureux-sur-Saône (Vosges), il s'est marié une première fois en 1919. Après un divorce, il épouse en 1933 une veuve, Rose Philomène Doillon. Cette veuve a une fille, la petite Blanche, née en 1926 et qui a perdu son père à l'âge d'un an. Jules Koenig lui servira donc de père pendant toute son enfance et son adolescence, même si biologiquement il n'est pas son père. Il se trouve que la petite Blanche est mon arrière-grand-mère. Voilà pourquoi Jules Koenig fait partie de mon arbre sans y être.

Après cette introduction, les recherches peuvent commencer. Sur l'acte de naissance de Jules Fernand Koenig, daté du 28 juillet 1897, on apprend que son père est Emile Koenig, 24 ans, fileur de coton, et que sa mère est Louise Augustine Mercier, 19 ans, fileuse de coton. Avec ce nom de famille (Koenig), on peut penser qu'Emile est un de ses nombreux Alsaciens, venus habiter dans les Vosges après la guerre de 1870. Et vu l'âge des jeunes parents, on peut penser que leur mariage est tout récent.

Un petit tour dans les tables décennales de Monthureux-sur-Saône nous apprend que le jeune couple s'est marié le 23 mai 1896. Le petit Jules est donc très certainement leur premier enfant.



On y apprend qu'Emile Koenig est né à Oberehnheim, en Basse-Alsace, le 10 avril 1873. Nos soupçons sont donc confirmés! La Basse-Alsace correspont sans doute à l'ancien département du Bas-Rhin. Emile est le fils d'Aloïse Koenig, 55 ans, et de Anne Madeleine Schmitt, 54 ans. Ils ne sont pas présents au mariage de leur fils, car ils habitent à Giromagny, un petit village du Territoire de Belfort, près de la frontière allemande.

(Comme je ne m'intéresse qu'à la branche Koenig, pour ne pas trop me disperser, je laisse de côté pour le moment la mariée et sa famille. Simplement, Louise Augustine Mercier est une fille du pays, puisqu'elle est née à Monthureux en 1877)



A la recherche d'Emile Koenig...

Emile est donc né en 1873, juste après l'annexion de l'Alsace par l'Allemagne, à Oberehnheim. Il s'agit sans doute du nom germanisé d'une ancienne ville française. La liste de correspondance franco-allemande des communes alsaciennes disponible sur Wikipédia sera utile: Oberehnheim est le nom allemand de la ville d'Obernai, ville typiquement alsacienne du Bas-Rhin. Heureusement pour nous, le département du Bas-Rhin a mis en ligne très recemment ses archives. Un petit tour sur leur site s'impose.

Le site est très agréable d'utilisation (voir le mode d'emploi sur le Blog Généanet). Il faut donc choisir les archives de la ville d'Obernai. Emile étant né en 1873, son acte de naissance sera très certainement en allemand, l'Alsace étant allemande depuis 2 ans. L'acte se trouve dans le registre des naissances de 1873, à la page 14.


Comme prévu, l'acte est en allemand. Mais autre difficulté, il est écrit en Fraktur, police d'écriture descendant directement du gothique allemand. Heureusement, les très bon Forums d'entraide de Généanet m'ont permis de traduire cet acte. On savait déjà qu'Emile était le fils d'Aloïs et de Anne Madeleine Schmitt. Ils ont 31 et 32 ans à la naissance de leur fils, ils se sont donc probablement mariés dans les années 1860. Ce qui nous aiderait, car à cette époque l'Alsace était encore française. La prochaine étape consistera donc à rechercher les actes concernant Aloïse Koenig.

P.S.: Emile Koenig était-il allemand? En effet, selon l'Article 2 du Traité de Francfort, mettant fin à la guerre de 1870, tout Français habitant dans les territoires cédés à l'Allemagne, s'il veut conserver sa nationalité française, devra faire une déclaration à la Préfecture pour transporter son lieu de domicile en France. La date limte étant le 1er octobre 1872. Or, Emile est né le 10 avril 1873...

P.S.2: Emile est décédé le 6 mars 1956 à Epinal (Vosges) à l'âge de 82 ans.

mardi 24 août 2010

Il y a 96 ans (2)

21 août 1914 - Cela va bientôt faire un mois que le pays est en guerre. Partout, sur la frontière, les combats sont violents. C'est ce qu'on appellera la Bataille des Frontières. Le but de l'armée française étant de pénétrer en Alsace-Lorraine pour reprendre le contrôle de la région, et de poussée l'armée allemande jusqu'à la rive gauche du Rhin. D'ailleurs, dans les premiers jours de la guerre, la ville de Mulhouse avait été libérée, avant d'être reprise par les Allemands. Ce que n'avait pas prévu l'Etat-Major français, c'est que l'Allemagne attaquerait la France en passant par la Belgique, violant ainsi la neutralité du petit pays. Ce qui provoquera d'ailleurs l'entrée en guerre de l'Angleterre aux côtés de la France. Bref, en ce 21 août 1914, sur tous les fronts, l'armée française recule, devant la contre-offensive musclée de l'armée allemande.



Mais revenons d'abord sur le 149ème Régiment d'Infanterie. Basé à Epinal avant la guerre, il est essentiellement composé de Vosgiens et de Haut-Saônais, qui combattent donc dans leur région. A la déclaration de la guerre, le Régiment est désigné pour occuper les cols des Hautes-Vosges, qui donnent sur la frontière. Dans l'article précédent, nous l'avions laissé dans ces cols, le 9 août, lors de sa première rencontre avec les Allemands. Le 12 août, le Régiment quitte les cols, et prend direction plus au nord, vers Sarrebourg. Le 18 août commence l'offensive de Sarrebourg. Le Régiment, et toute la Ière Armée, sont entrés de 20km dans les terres allemandes. Un peu plus au Nord, la IIème Armée marche sur Morhange. Le 149ème d'Infanterie est basé sur le village d'Abreschviller, 5km derrière Sarrebourg.




Mais côté allemand, le Kronprinz Rupprecht, jusqu'alors tenu à un rôle uniquement défensif, demande à ses supérieurs s'il peut entrependre un contre-offensive, contre les Ière Armée française à Sarrebourg, et IIème Armée française sur Morhange. Et cette contre-offensive fonctionne! Dès le 20 août, les Français doivent évacuer Morhange et Sarrebourg. Les Allemands continuent de faire reculer nos troupes.


Le 20 août à midi trente, le 149ème, toujours basé sur Abreschviller, reçoit l'ordre de se porter vers Sarrebourg, pour combattre. Malheureusement, au moment même où le régiment s'apprête à quitter le village, l'artillerie allemande l'attaque. La 4ème Compagnie reçoit comme ordre de tenir position à un carrefour au nord du village, en hauteur, avec l'Artillerie, pour contrer l'Artillerie allemande. Les combats durent. Après la surprise, nos soldats organisent une contre-offensive qui débute à 17h. 30. Les combats ont lieus tout autour du village, un poste de secours étant installé à Abreschviller même, pour soigner nos bléssés, nombreux. La nuit tombe, les combats continuent. A 22h., on peut voir du hameau de Biberskiry de grand feux: les Allemands viennent de l'occuper. Pire, la liaison avec le 31ème Bataillon de Chasseurs vient d'être perdue.

Le lendemain, le Colonel reçoit l'ordre de tenir les lignes, en attendant la reprise de l'offensive. Mais dès 5h., les Allemands attaquent vivement nos troupes, en partant de Biberskiry, occupé depuis la veille au soir. Sur notre droite, le 3ème bataillon est débordé par un ennemi supérieur en nombre. On signale des nombreux morts parmi nos rangs. La 10ème compagnie reçoit l'ordre de protéger le repli du bataillon, qui se reforme dans le village d'Abreschviller. A 10h. du matin, l'objectif ennemi est d'occuper le village voisin de Lettembach. Les restes du 3ème bataillon sont réunis pour aller défendre le village. La 4ème compagnie est toujours au nord d'Abreschviller, en soutien de l'Artillerie. Bientôt, c'est tout ce qui reste du Régiment qui vient occuper la route menant à Lettembach: le village ne doit pas tomber aux mains des Allemands. Les combats sont très violents, et durent jusqu'à 17h. Le Régiment se replit vers Saint-Quirin.

La journée a été désastreuse. Le Régiment compte 35 morts, et 287 blessés, mais surtout 224 hommes disparus lors des combats! On ne sait pas s'ils ont été fait prisonniers par l'ennemi, ou s'ils sont morts. Les journées suivantes seront identiques. Peu de gens le savent, mais la journée la plus meurtrière de la Grande Guerre fut le 22 août 1914, avec 27.000 soldats tués en cette seule journée. Sans compter que les journées suivantes sont toutes aussi meurtrières. Car l'armée française continue de reculer, partout sur le front. En Lorraine, les Allemands pensent déjà prendre Nancy. C'est encore pire en Belgique, où les armées alliées se replieront jusqu'à la Marne, le 5 septembre. Ce sera la Bataille de la Marne, qui sauvera Paris. Et les 4 années suivantes, le front ne bougera plus, les soldats s'enterrant dans les tranchées...




Si je m'interesse au 21 août 1914, c'est parce-que parmi les 224 hommes du 149ème d'Infanterie, figurait Michel RICHARD, simple soldat de 2ème classe de la 4ème Compagnie. J'ai déjà parlé de lui dans l'article précédent. Sa femme enceinte se trouvait à Epinal. Quand elle accouche en décembre 1914 d'une petite fille, elle ne sait toujours pas que son mari est mort depuis plusieurs mois. Sur l'acte de naissance de sa fille, Michel est considéré comme vivant, même si l'enfant est déclarée par une sage-femme. Il faudra attendre la fin de la guerre, pour qu'un jugement déclare la mort de Michel. Son corps ne sera jamais retrouvé, et sa femme a dû vivre toute la durée de la guerre dans l'espoir du retour de son mari, peut-être prisonnier chez les Allemands.

Le 23 juin 1920, le Tribunal Civil d'Epinal rend jugement: le soldat Michel Eugène Arthur est déclaré Mort pour la France, près de 6 ans après sa disparition. Ce jugement permet à sa femme d'être considérée comme une veuve de guerre; ainsi elle pourra toucher une pension pour élever ses jeunes enfants.

Le 12 juillet 1928, soit 14 ans après les faits, sa fille Hélène est Adoptée par la Nation, suivant un jugement du Tribunal des Vosges. En clair, elle qui n'a jamais connu son père devient une Pupille de la Nation, c'est à dire que la République Française devra la protéger, et lui assurer un soutien moral et matériel, jusqu'à ses 21 ans.


Ces 2 articles avaient pour but de rendre hommage à un de ses nombreux soldats, morts dans la boucherie que fut la Première Guerre Mondiale. Pour ne pas qu'il tombe dans l'oubli. Surtout que le même jour que lui, une personne beaucoup plus célèbre décédait également.


jeudi 5 août 2010

Il y a 96 ans (1)

3 août 1914 - L'Allemagne déclare la guerre à la France. Suite à l'assassinat de l'archiduc François-Ferdinand à Sarajevo le 28 juin, et avec le mécanisme des alliances, toute l'Europe est désormais en guerre. Le gouvernement français a déclaré la mobilisation générale la veille, dimanche 2 août 1914. Plus de 5 millions de jeunes Français (soldats et réservistes) se retrouvent ainsi sous les drapeaux, pour combattre l'Allemagne et récupérer l'Alsace-Lorraine, perdues 44 ans plus tôt.


Près de la frontière, à Epinal, vit Michel RICHARD, un homme parmi ces millions d'autres, mobilisés. Né en 1887, il n'a pas encore 27 ans. Il est donc mobilisé dans un régiment d'active. Ce sera le 149e Régiment d'Infanterie, basé à Epinal. Il rejoint aussitôt la 4ème Compagnie du 1er Bataillon de son Régiment. Mobilisé en tant que soldat de 2ème classe, son supérieur est le Capitaine Altairac.

Parti d'Epinal, le Régiment part en train vers Bruyères, puis la Houssière. Le 3 août, quand l'Allemagne attaque la France, la Compagnie de Michel tient le hameau de Vanémont. Le lendemain, la Cie reçoit l'ordre de se rendre dans le village d'Anozel, afin de fortifier et de défendre le col d'Anozel, en cas d'attaque allemande par le front de Saulcy. Mais ce travail ne servira à rien, puisque les Allemands franchissent la frontière beaucoup plus au nord. Le 8 août, alors que l'armée française vient d'entrer dans Mulhouse, le 149e RI se rapproche de la frontière et par pour Wisembach, au pied de la ligne bleue des Vosges, à moins de 3 km de la frontière.

Le 9 août, Michel et sa compagnie, ainsi que tout le Régiment, se portent directement à la frontière. De l'autre côté: Sainte-Marie-aux-Mines. Alors qu'en Belgique la bataille de Liège fait rage, c'est ce 9 août 1914 que Michel va connaître son baptême du feu. Sans doute à ce moment pense-t-il à sa famille. Sa femme, qu'il a épousé en novembre 1910, est enceinte de 4 mois. Elle s'appelle Marthe Dumas, elle a 23 ans et elle est née dans la Nièvre. Ils ont déjà eu un enfant, un an avant leur mariage. Un petit garçon nommé Pierre. Le jeune couple vit à Epinal, route de Remiremont, à la sortie de la ville, tout près des usines où ils travaillent. Michel pense sans doute aussi à sa mère, Marie Amélie. Toujours vivante, elle a accouché du petit Michel alors qu'elle était veuve depuis quelques années. De ce fait, Michel n'a jamais eu de père.

9 août, 3h45 du matin: la Cie de Michel s'installe au Renclos des Vaches, sur la frontière, à près de 1.000m d'altitude. Dans la matinée, à 7h, un bi-plan allemand passe en reconnaissance au-dessus de leurs têtes: c'est sa première rencontre avec l'ennemi. La 4ème Cie passe alors la frontière. Ils sont sur le territoire de Sainte-Marie-aux-Mines, en sol allemand.

A 12h35, alors qu'elle progresse, la Cie se fait tirer dessus par les Allemands. Ca y est, Michel participe à son premier combat. La fusillade est violente, est rapidement, la Cie de Michel est renforcée par 2 autre Cie du Régiment. Bientot, c'est tout le Régiment qui doit faire face à l'attaque allemande. A 14h, 2 sections de mitrailleuse arrivent en renfort. Mais l'ennemi est tellement peu visible qu'elles ne peuvent rien faire. D'ailleurs, l'ennemi vient de recevoir également du renfort. A 15h, la fusillade devient encore plus violente. La situation devient critique du côté français. Heureusement à 17h arrivent en renfort les Cies qui gardaient le col de Sainte-Marie. Alors à lieu une accalmie. Mais d'un seul soup, du côté allemand sonnent toutes les trompettes et les clairons: ils attaquent nos positions, à l'aide des dragons. Les combats sont très violents, et notre ligne fléchit à droite comme à gauche. A 20h, l'attaque cesse.

Malgré la violence de l'attaque, la Régiment a tenu ses positions. Mais les hommes ont le moral très bas. En raison de leur manque de sommeil et du manque de nourriture, dus à une journée entière de combat, les Cies ayant participé à la bataille reçoivent l'ordre de se replier dans le village de Wisembach, pour se reposer. On compte 440 tués, disparus et blessés. Michel, debout depuis 3h30 du matin, arrive avec sa Cie à Wissembach. Dans la 4e Cie, il y a 22 morts, 39 blessés et 15 disparus. Heureusement Michel n'a rien eu. Le lendemain, à Wisembach, le Général Legrand-Girarde viendra félicité le régiment. Et pourtant, ce n'est pas le combat le plus violent que connaîtra le Régiment en ce mois d'août 1914...


Michel Eugène Arthur RICHARD est mon Sosa n°22. A suivre.



Sources: