mercredi 27 avril 2011

Une famille décimée


Gonneville (Manche)

Imaginons une petit maison en pierre, comme on en trouve en Normandie. Nous sommes à Gonneville, à quelques kilomètres seulement de la mer. Nous sommes en 1708, en septembre. Le soleil se couche, et bien que l'été en soit à ses derniers feux, il fait déjà froid. Entrons dans cette maison. C'est un homme déjà usé par la vie qui nous accueille. Il s'appelle Denis, et aura bientôt la cinquantaine. Il a perdu sa femme l'an dernier. Et pourtant, il est heureux: sa nouvelle épouse, Gillette, vient de mettre au monde leur premier enfant. C'est une petit fille, il l'appellera Marguerite, le prénom de sa première femme, qu'il aime toujours. Autour du couple et de leur bébé, se sont regroupés le restant de la famille: les autres enfants issus du premier mariage de Denis: il y a le grand Robert, et les deux jumeaux, Jean et Marie, qui vont bientôt avoir 6 ans.

Signature de Denis MARION


Et pourtant, cette famille paisible va bientôt être décimée, sans raison apparente. Tout commence le 1er novembre 1708: la petite Marie, l'une des jumelles, qui vient d'avoir 6 ans, meurt. Ce n'est pas le premier enfant que Denis perd, mais on imagine qu'à chaque fois, c'est une chose qui doit terriblement le toucher. En tout cas, le curé de la paroisse note que Denis meurt une semaine plus tard, le 8 novembre. De tristesse? Plutôt de maladie. Car le surlendemain, 10 novembre, il est suivi par Robert, son fils ainé. La mort ne s'arrête pas là: elle emporte également Marguerite, le petit bébé, le jour de ses 2 mois, 16 novembre.



Ainsi, en l'espace de deux semaines, la maison a perdu 4 de ses habitants. Ne reste que Gillette et son beau-fils Jean, qui à 6 ans, vient de perdre son père et sa soeur jumelle. Ils ne le savent pas encore, mais dans les semaines qui viennent, ils vont devoir affronter le terrible hiver de 1709, le Grand Hiver, qui fera des centaines (milliers?) de morts à travers le Royaume et l'Europe.



Malheureusement, les registres de la paroisse de Gonneville sont lacunaires pour plusieurs années entre 1670 et 1700. Ainsi, impossible de savoir si Denis a eu d'autres enfants de son premier mariage, et s'ils ont survécu aux événements de 1708. D'ailleurs, que s'est-il passé en 1708 pour qu'une seule famille perde autant de ses membres? La faim? C'est peu probable, Denis était l'un des seuls lettrés du village, preuve d'une certaine aisance. Le temps? Le Grand Hiver apparait dans les premiers jours de janvier 1709, en novembre 1708 c'est trop tôt. Une maladie? C'est la thèse la plus probable. Oui, mais laquelle? À plus de 3 siècles de distance, il sera bien difficile de le savoir...



Pour la petit histoire, Jean MARION, le petit gamin de 6 ans, est mon n°Sosa 672. Il est mort bien des années plus tard, en 1770, laissant derrière lui plein d'enfants! Heureusement d'ailleurs! Imaginons que ce soit lui qui soit mort de maladie à la place de sa soeur jumelle: je ne serais pas là pour en parler... Comme quoi, on ne tient qu'à un fil.

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